La réalité virtuelle ? Ça sert à quoi ?

La réalité virtuelle ? Ça sert à quoi ?

Le 3 novembre 2020, le centre de compétences ICT-VS a organisé un événement virtuel s’inscrivant dans le cadre des DigitalDays. Dans cette modalité particulière, trois intervenants, ont participé à l’amorce de la réflexion autour de la réalité virtuelle (RV) et de ses implications dans la formation.

Les invités à cette conférence étaient :

  • Benjamin Roduit, Conseiller National, membre de la Commission de la science, de l'éducation et de la culture, ancien Recteur du Collège des Creusets à Sion
  • Antoine Widmer, Professeur et chercheur à l'Institut de recherche sur les systèmes d'information de la HES-SO Valais. Spécialiste de la réalité virtuelle dans le domaine médical, du tourisme et de l'industrie.
  • Frédéric Sidler, Entrepreneur innovant ayant recours à la réalité virtuelle.

Sous la modération d'Eric Fauchère, les participants ont d’abord pu écouter le point de vue de chaque invité et poser quelques questions. Dans un second temps, ils ont pu se séparer en deux tables rondes pour réfléchir aux différents éléments que la technologie peut amener en matière d’éducation et de pédagogie.

Benjamin Roduit a partagé un point de vue philosophique sur les technologies numériques. Il a aussi partagé son sentiment de retard que le canton semble avoir en la matière.

Antoine Widmer nous a éclairé sur la notion de continuum de réalité qui englobe les différentes technologies de la réalité augmentée à la réalité immersive. Son apport théorique a permis de présenter des résultats de recherche encourageant pour l’utilisation de la réalité virtuelle dans les apprentissages. Toutefois, malgré une plus-value certaine due à l’engagement de l’apprenant, les contenus utilisés reste décisifs pour la qualité des apprentissages effectués par ce biais.

Enfin, Frédéric Sidler a relevé trois éléments faisant de la RV une technologie à valoriser : l’aspect économique, sécuritaire et modulable.

Les tables rondes ont permis de développer le sujet de la réalité virtuelle et de son utilisation dans le domaine des apprentissages. Unanimement, il est ressorti que cette technologie propose un énorme potentiel de facilitateur d’apprentissages notamment par sa nature immersive et interactive. De multiples exemples d’usages furent partagés au sein des groupes. Toutefois, les participants ont aussi relevé la nécessité d’une création de contenu rigoureuse et réfléchie orientée sur les objectifs d’apprentissage. Sans cela, il semblerait que la RV resterait un gadget parmi d’autre. Une question en suspens sur le risque de frein à la créativité et à la capacité d’abstraction fut soulevée en fin de soirée par les participants.

Compte rendu en détail ci-après (durée estimée 5 min).

Après une courte introduction, M. Eric Fauchère, collaborateur pédagogique prévention et sécurité pour le Centre de compétences ICTVS a dépeint la palette des questionnements qui ont trait à la réalité virtuelle et son utilisation dans tous les domaines confondus. Puis, les interventions des trois experts invités ont pu débuter.

Présentations :

  • M. Benjamin Roduit, conseiller national, membre de la commission de la science de l’éducation et de la culture nous a offert un point de vue épistémologique et philosophique de la RV. M. Roduit a partagé son point de vue et son expérience de l’utilisation du virtuel dans son sens général. De la confrontation aux objets connectés jusqu’à l’apparition de construction d’espace virtuelle de formation, son discours nous a permis d’être attentifs aux différents enjeux de l’utilisation de ces technologies. Il tisse un lien entre les actions dans un environnement dit « réel », vers leur transformation en « virtuel ». Un sentiment de retard a également été exprimé sur la question globale du numérique dans notre canton, surtout en ce qui concerne les réflexions sur leurs usages quotidiens et, plus précisément, dans la formation et l’éducation. Selon M. Roduit, une réflexion plus profonde et complète doit précéder la mise en place et l’utilisation des technologies numériques dans les différents types de formation. Une vision positive a clôturé son intervention soulevant la rapidité d’adaptation de la société dans l’utilisation des outils numériques, bien que maladroite et forcée par la pandémie du COVID-19. Selon M. Roduit, cette situation ouvre la porte à une réflexion et un développement sur l’insertion du numérique dans la formation, ainsi qu’à l’investissement dans ce domaine d’expertise et, par extension, dans le domaine de la RV.

  • Antoine Widmer a apporté un point de scientifique. Professeur à l’institut de recherche sur les systèmes d’information de la HES-SO Valais/Wallis, PhD au laboratoire d’interaction homme-machine à l’Université de Calgary (CA), il effectue depuis 2006 des recherches sur la réalité augmentée et en réalité virtuelle dans le domaine médical, de l’industrie et du tourisme. Son exposé se centrait sur les différentes notions utilisées dans le domaine de la réalité virtuelle. Le continuum de la réalité, comme décrit le chercheur, permet de définir différentes appellations de la réalité, allant de l’absence de réalité générée par l’ordinateur (réalité réelle) à un maximum de réalité générée par l’ordinateur (réalité virtuelle) (cf. figure 1).

    Image1

    Cette illustration montre en effet une gradation partant de la réalité augmentée (RA), passant par la virtualité augmentée (VA) – faisant tous deux parties de la réalité mixte (RM) – jusqu’à la réalité virtuelle (RV) également appelée réalité immersive (RI). Les différentes réalités mixtes permettent de superposer des éléments virtuels, générés par le numérique, sur le monde réel à l’aide de smartphones ou de tablettes, pour la réalité augmentée, et par le biais de Smart-Glasses ou HoloLens pour la virtualité augmentée. Ces réalités mixtes permettre de révéler des éléments qui ne peuvent être vus dans la réalité réelle ou qui sont difficilement perceptibles. En allant encore plus loin, la réalité virtuelle nous immerge dans un environnement virtuel complètement conçu par ordinateur, sans prendre appui sur le monde réel ou visuel. L’univers est ainsi construit de toute pièce, comme dans un jeu vidéo ou un monde persistant (par exemple Second Life). Après cette courte explicitation, M. Widmer a démontré certaines plus-values principales des différents types de réalité. Ces technologies améliorent considérablement l’attention, notamment par l’immersion, mais aussi l’engagement dans les différentes activités par le côté ludique et interactif. Le retour d’information peut aussi bénéficier d’une certaine instantanéité offerte par ces technologies.
    Enfin, la consolidation des apprentissages coûte peu en ressources, car les systèmes informatisés permettent une répétition de l’exercice, ainsi qu’une adaptation de contexte facilitée, afin de favoriser les transferts de connaissances. La mémorisation semble améliorée grâce à la RV dans le cadre des apprentissages géométriques et linguistiques.Antoine Widmer a finalement rendu attentif à l’importance d’avoir un contenu de qualité avant de privilégier un type de média en particulier. En somme, la réalité virtuelle est efficace en formation par le fait qu’elle implique l’apprenant en le rendant acteur de son apprentissage, mais le contenu reste décisif dans l’expérience de formation.

  • Frédéric Sidler a clos les présentations. Entrepreneur dynamique et inventif à la recherche de solutions innovantes dans l’intérêt de ses clients, il est fortement engagé dans la communication digitale. Investi dans de multiples projets utilisant et développant la réalité virtuelle, il a partagé son point de vue sur l’utilisation de cette technologie dans le monde de la formation et en entreprise. M. Sidler soutient que la réalité virtuelle est pertinente si elle suit trois dimensions essentielles : la dimension économique, la sûreté et la modularité. La réalité virtuelle est assez abordable et permet de voyager dans l’espace et le temps de manière simple et sûre. Au niveau de la formation, il est donc envisageable d’investir la RV pour des actions dangereuses ou complexes (entraînement d’opérations médicales, expérience chimique, pilotage d’avion dans des conditions extrêmes) sans courir de risques réels. De plus, la RV permet de reproduire des environnements difficiles d’accès ou à fort caractère contextuel (par ex. pour entraîner les assauts de la police armée dans un milieu difficile ou peuplé).

 

Tables Rondes :

Après ces interventions, les participants ont été invités à se répartir en groupe de travail sous forme de tables rondes avec porte-parole. Il leur a été proposer de discuter de l’impact de la RV au regard de 3 questions : leur signification pour les utilisateurs, la pertinence de leur utilisation dans les apprentissages et leurs applications concrètes dans le monde de l’apprentissage. Au terme de ces 3 moments d’échange, il est ressorti les éléments suivants.

Qu’est-ce que la RV ?

De cette question, il est ressorti que l’utilisateur ne peut être que partie prenante de la technologie, puisqu’elle l’immerge de manière partielle ou totale dans l’expérience. Il y a cependant une certaine difficulté de mise en place nécessitant un pilotage clair et précis (création de contenu, formation, accompagnement) des outils afin de ne pas en faire un simple outil ludique et divertissant, sans aspect pédagogique, s’inscrivant dans un cadre de formation.

Peut-on utiliser la RV dans les apprentissages ?

Cette question a soulevé de multiples aspects de l’utilisation de la RV dans les différents domaines d’apprentissages. Dans le cadre des formations techniques, elle permet une certaine économie et un gain de sûreté dans l’apprentissage de l’utilisation de certaines machines et procédures complexes. Dans le cadre de l’histoire, il a aussi été relevé que la possibilité d’être immergé dans un environnement particulier permettait de mieux appréhender les enjeux des différents faits historiques. Des points d’attention ont toutefois été soulevés. Il existe en effet le danger de leurrer les apprenants, de trop se centrer sur l’aspect ludique et d’en oublier l’apprentissage ainsi que, dans le pire des cas, d’engendrer une addiction. Dans tous les cas, il est ressorti que la RV ne peut pas se suffire à elle-même et nécessite un retour à la réalité réelle à un moment donné, surtout dans les domaines des savoir-être et des savoir-faire.

Quelles applications concrètes de la RV ?

La dernière question a suscité des réponses encore plus précises et des exemples d’usages pédagogiques. Pour la réalité augmentée (RA)

  • Français : révéler des fautes dans un texte dans manière visuelle
  • Histoire de l’art : afficher des information sur des tableaux ou des œuvres.

Concernant la virtualité augmentée (VA)

  • Géométrie : action sur les différentes propriétés des figures / conception dans l’espace de figure géométrique en lien avec leur équation.

Grâce à la réalité virtuelle immersive (RI)

  • Histoire : revivre des événements passés / observer des œuvres d’art / revivre l’époque des différents artistes et auteurs.
  • Formation technique ou apprentissage de conduite : simulateur de vol ou de conduite (déjà présent).

En somme, si le contenu est de bonne qualité, les différentes réalités peuvent être investies dans la quasi-totalité des types d’apprentissages. Cependant, les participants ont relevé que le fait de mélanger les modalités permettait d’obtenir un résultat optimal.

Cette soirée de réflexion autour de la RV dans le cadre de la formation a permis de mélanger expériences personnelles, opinions diversifiées et nombreuses pistes d’utilisation. Ce terme complexe a donc pu être apprivoisé par les personnes présentes. En conclusion, les discussions et les réflexions ont débouché sur une question ouverte pleine de philosophie et de questionnement :

 

La capacité de modélisation des différentes réalités virtuelles et le fait de présenter des produits tout faits directement aux apprenants et en particulier ceux en bas âge, ne serait-elle pas un frein au développement de l’imaginaire, à la créativité et à la capacité d’abstraction ?